Ma petite histoire avec la photographie
Paradoxalement, alors même que le cinéma repose en partie sur la photographie, j’ai longtemps été réticent à la pratiquer. J’avais un à priori négatif sur le sujet. Autour de moi (et bien que les réseaux sociaux n’étaient pas encore aussi développés), je voyais des personnes prendre des photos de leur voyage pour se montrer, ou bien pour reproduire des clichés déjà vus et revus (ex: le joli petit et pauvre enfant africain, le marocain accueillant avec son âne et sa djellaba, etc). Dans mon cas, je ne voulais pas apparaître sur mes propres photos, et je savais que les images que je voulais transmettre n’était pas celles que l’on connaissait déjà (je trouvais qu’il y avait un côté voyeur ou exotique qui me mettait mal à l’aise). J’avais une idée déjà bien définie (et même trop arrêtée) sur ce que devait être «bonne image ». Pour moi, il s’agissait quelque chose de non-spontanée mais au contraire de réfléchit. Une image comportait une idée. La « bonne manière de faire » des images était donc d’abord d’avoir une idée nouvelle, intéressante, et pertinente pour ensuite réaliser l’image adéquate. Puis, peu à peu, j’ai commencé à déconstruire cette « bonne manière de faire ».
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D’abord, par ma pratique du cinéma où je me rendais compte que tout n’était pas de l’ordre du déductif (les images n’étaient pas préalablement construites par l’idée qu’on s’en faisait, mais dépendaient d’une part de la matière dont on disposait, et d’autre part, de notre capacité à s’adapter à celle-ci). Ensuite, par une découverte plus fine du travail de certains photographes (je me rendais alors vraiment compte qu’il s’agissait d’un art à part en tiers, beaucoup plus vaste que par exemple la photographie amateure de voyage). Enfin, j’ai déconstruit cette idée de « bonne manière de faire » par la pratique de la photographie elle même. D’une part, je me suis rendu compte qu’il y avait dans la technique quelque chose d’intéressant (comme une sorte de jeu). D’autre part, et alors que j’avais peur que la photographie me coupe du monde (de l’expérience qui se déroulait sous mes yeux), je me suis rendu compte qu’au contraire elle en changeait simplement les modalités, et qu’elle pouvait même cultiver autrement mon intérêt et ma curiosité. Je serais même tenté de dire que l’appareil photo stimule mon regard et mon envie d’observer (mais c’est en fait très relatif à la situation que l’on vit, et c’est en fait qu’en fonction de celle-ci qu’on peut déterminer si un appareil va stimuler ou au contraire inhiber notre écoute/observation). Quoiqu’il en soit, c’est ainsi, par la pratique, que j’ai redécouvert la photographie (et plus globalement l’image) avec un angle moins surplombant, moins présomptueux, et surtout plus simple et plus expérimental.
Par ailleurs, c’est aussi à cette période que je suis retournée voir les vieux albums familiaux de mon enfance. Je me suis rappelé de mon père et de son appareil, qui pratiquait certes en amateur, mais de manière complètement décomplexé. S’il cherchait à faire évidemment de belles photos, il n’avait aucune prétention artistique. Il le faisait simplement par intérêt, pour capter l’instant, et pour garder ces moments en souvenirs. Je trouve qu’il y a dans cette manière de faire de la photographie quelque chose de très beau, et je crois que c’est ce côté spontanéité qui me pousse aujourd’hui à pratiquer cette discipline. Et s’il y a dans mon parcours cinématographiques toujours une envie de raconter une histoire qui a, préalablement au tournage, un début, une fin, et un propos, il y a dans mon travail photographique une envie de capter le « en cours », de capturer des fragments de vies, d’expérimenter des univers, des esthétiques, d’être dans ce travail de jeu avec le direct, dans une logique volontairement expérimentale et interactionnelle.
Article publiée le
• Samedi 7 Novembre 2020 •
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