Il n’y a pas de réelle réponse qui fonctionnerait pour tous à la question comment se professionnaliser. Malgré tous, il me semble que trois figures de l’anthropologue se détachent, et que de celles-ci, de nombreuses possibilités s’offrent aux « futurs anthropologues »

 

Les trois figures de l’anthropologue

Lors d’un cours intitulé « Méthodologie et conduite de projet » de Master 1, un de mes professeurs nous avaient présenté trois figures de l’anthropologue en nous expliquant, que celles‑ci résumaient bien, selon lui, les différentes postures auxquelles l’anthropologue pouvait prétendre.

– L’expert, premièrement, était celui que l’on consultait en vue d’une expertise (comme son nom l’indique), qui venait traiter un sujet en tant que savant (plus qu’en tant que chercheur) et à qui il était bien souvent demandé d’apporter des informations et des connaissances approfondies sur un sujet bien précis (dont il est bien souvent considéré comme spécialiste).

– Le chargé de missions, secondement, était celui à qui on assignait une mission ponctuelle portant sur des objectifs et un calendrier préalablement défini. A l’inverse de l’expert, on ne lui demandait pas d’apporter une expertise ciblée mais plutôt des connaissances qui devaient lui permettre de construire son expertise au cours de sa mission.

– Le salarié, troisièmement, était la personne à qui l’on demandait d’exécuter une (ou des) actions, et de les répéter régulièrement. A l’inverse du chargé de mission, le salarié n’a pas à rendre d’expertise sur le sujet qu’il traite.

Bien évidemment, comme l’avait expliqué mon professeur, ces trois figures étaient des archétypes. On ne les retrouve pas tels quels dans la réalité. Bien souvent, l’anthropologue se trouve à mi-chemin de ces trois figures. Par exemple, l’enseignant chercheur est à la fois salarié d’une université (il doit effectuer différentes actions et les répéter régulièrement, notamment celle de donner des cours), mais il est aussi chargé de mission (au travers de son labo et du fait qu’il doit mener des recherches) et peut enfin être considéré comme expert (aux yeux des élèves qui assistent à ses cours notamment, mais aussi lors des colloques, rencontres scientifiques, etc.). Ces trois figures présentées par mon professeur sont donc à relativiser, mais, malgré tout pour des étudiants en quête de repères comme nous l’étions à l’époque, il me semble qu’elles peuvent être utiles afin d’y voir plus clair quant aux possibilités qu’offrent notre discipline.

 

Les différentes possibilités qu’offrent nos disciplines au travers de ces trois figures

Bien évidemment, je ne saurais pas énoncer la liste exhaustive des débouchées que propose potentiellement notre discipline. Au cours de mes études, j’ai vu de nombreux étudiants s’orienter dans divers domaines. L’anthropologie s’avère être une discipline qui attire diverses personnes qui voient en elle une discipline de complément qu’ils peuvent choisir afin d’apprendre de nouvelles choses susceptibles de les aider dans leur futur (tant sur un plan individuel que professionnel). Certains font donc ces études en parallèle d’autres disciplines (comme la psychologie, la sociologie, l’archéologie, les beaux arts, les arts du spectacle, etc.), ou en complément de formations (il s’agit là bien souvent d’étudiants en fin de parcours ou des professionnels déjà insérés qui veulent inscrire une ligne supplémentaire à leur compétence). D’autres encore font ces études en vue d’un concours ou d’une formation demandant un certain niveau d’études (le CAPES, les différents concours de la fonction publique, etc.). Et puis, il y a ceux aussi qui étudient l’anthropologie sans savoir exactement pourquoi (c’est d’ailleurs un peu le cas de la plupart des étudiants) et qui, au cours de leur étude, apprennent à mieux à se connaître, à savoir ce qu’ils veulent, etc. Et enfin, il y a les étudiants « classiques », ceux qui savent déjà qu’ils veulent devenir « enseignent-chercheur » (d’ailleurs, il est intéressant de noter comment beaucoup d’étudiants disent vouloir être « prof à la fac » et non être « chercheur »). Pour cette dernière catégorie d’étudiants, il y a deux cas de figures qui se présentent : l’être à l’université ou l’être en milieu professionnel (en intervenant, éventuellement, comme vacataire à la faculté).

Dans le premier cas, il faut faire une licence, un master, puis un doctorat. Le cursus classique, que tout le monde imagine, mais qu’on ne connaît finalement pas si bien. Bien souvent, on ignore que le monde de la recherche est aussi un monde sélectif, un monde que l’on pourrait comparer (et cette comparaison a ses limites) à un « marché économique » où les laboratoires seraient des « entreprises » qui appliqueraient diverses « stratégies de développement » dans le but de s’octroyer différentes « parts du marché ». Et bien souvent, en ignorant cette micro-économie, on ne se rend pas compte de ces répercutions dans notre orientation, qui déjà commence à partir du travail de mémoire Master (dirigé par un enseignant chercheur, membre d’un laboratoire scientifique), et prend vraiment une importance primordiale lors de la construction de son projet de thèse (que l’on doit faire valider par un directeur de thèse et un labo), lors du doctorat (que l’on fait au sein d’un labo), et lors des années post-doc (qui s’organisent aussi en fonction des relations qu’on a pu tisser avec les membres du laboratoire avec qui nous avons fait la thèse). Prendre en compte « cette micro-économie de la recherche » (qui se trouve donc en arrière plan, en background de notre recherche) est donc primordial. C’est ce qui va nous permettre de bien choisir le milieu et les membres avec qui nous voulons évoluer, et c’est aussi ce qui va nous permettre de créer de bonnes relations avec nos confrères, relations qui prendront toutes leurs importances, il faut le repréciser, lors de notre recrutement (ou non) par différents laboratoires de recherche.

Dans le second cas, dans le cas où l’on fait de la recherche en milieu extra-universitaire, théoriquement, un individu peut commencer à partir du diplôme de Master. Dans les faits, en anthropologie, les chercheurs qui commencent à faire ce type de recherche ont bien souvent un doctorat (cela donne plus de crédibilité). Ces chercheurs peuvent alors être directement salarié d’une structure (en tant que chargé de mission par exemple) ou être à leur compte en touchant une rémunération au travers d’une autre structure juridique (une auto‑entreprise, une association ou une société coopérative de chercheurs par exemple).

L’anthropologie offre donc différentes possibilités, et cela, même si ce n’est pas une formation dite « professionnalisante » comme peuvent l’être par exemple la médecine ou le droit. Ce processus de professionnalisation n’est en fait pas quelque chose de donnée de pré-déterminée. C’est quelque chose que l’étudiant doit construire. Seul. En parallèle de ses études. Pour cela, il lui est nécessaire de faire le lien entre ce qu’il désire, ce qu’il aimerait apprendre, ce qu’il aimerait faire, et ce qui lui est proposé, ou éventuellement ce qui peut potentiellement lui être proposé. C’est ensuite à lui de se construire, de faire des choix d’apprentissage, de se créer des expériences, de se tisser un réseau liés aux sujets qui l’intéresse. Et, au final, son diplôme n’aura peut-être pas la même « valeur professionnelle » qu’un diplôme de médecine ou de droit, mais, l’étudiant aura à coup sûr des compétences à faire valoir dans le monde professionnel. Ca sera, à ce moment là, encore à lui de les identifier et de les affirmer au travers de son discours, sans complexe d’infériorité.