Le retour d’enquête et le processus d’objectivisation du terrain
Si l’Anthropologie est une discipline réflexive, elle n’en reste pas moins aussi une discipline productive (bien que cette dimension ne soit que très peu mise en avant). Bien souvent d’ailleurs, sur le terrain, notre présence s’accompagne d’une question à ce sujet : « pourquoi sommes-nous là ? » ou plutôt « nous sommes là pour faire quoi ? ». Cette question me semble tout aussi pertinente qu’elle est trop fréquemment oubliée. Oui, comme le journaliste, l’anthropologue est lui aussi sur son terrain pour faire quelque chose. Évidemment, les modalités de cette « chose » ne sont pas les mêmes que celle d’un journaliste : l’anthropologue dispose normalement de de plus de temps d’enquête qu’un journaliste, et les contraintes productivistes auquel il est soumis sont plus faibles. De fait, il peut davantage faire évoluer les modalités de ce qu’il produit, in vitro, pendant l’expérience avec le terrain (ce qui évidemment influe sur sa production finale). Néanmoins, l’anthropologue est aussi présent sur le terrain, pour « faire quelque chose » : produire des connaissances non pas uniquement pour son usage personnel, mais aussi partageables à d’autres (notamment à ses pairs : la communauté scientifique, son terrain, etc). Cette phase de « retour d’enquête » est un moment particulier. Il s’agit pour l’anthropologue de conclure un travail. Il s’agit de rendre compte de l’expérience sensible et vivante qu’il a vécu, et pour cela, il doit l’objectiver : en faire un objet (quelque chose qui n’est donc plus sensible et vivant, mais, au contraire, arrêté et limité). Toute la complexité de l’écriture est là. Paradoxalement, alors que le sujet est complexe et mériterait donc d’être approfondie, je n’ai eu que très peu de cours sur la question pendant ma Licence et mon Master. Je vous propose donc ici quelques réflexions que j’ai pu tirée de mes propres expériences d’écriture en science humaines et sociales.